Académie des Sciences, Agriculture,

Arts et Belles Lettres d'Aix-en-Provence

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Apta Julia

 

Dans la fraîcheur d’une première journée d’hiver anticipé, c’est aux accents de Radio Classique : « vous êtes bien à la sortie de l’Académie » que nous fûmes conditionnés en montant dans le car, par notre confrère Jean-Marie Gassend.  Redoutant qu’un sommeil prolongé ne prive les participants des charmes d’une journée riche de découvertes, il en rajouta au moyen d’une autre formule plus tonique, ponctuant le début d’une émission inoxydable : « chers amis bonjour », l’effet était assuré ! Il pouvait alors nous annoncer que l’une de nos étapes serait la gendarmerie… ce qui fut source d’un malaise passager aussitôt corrigé par la formule « pas pour vérifier les papiers ». Elle est en effet désaffectée et héberge l’association culturelle locale (ARCHIPAL) qui allait nous accueillir… Dans la présentation du programme, une autre frayeur nous fut réservée lors de l’annonce, par lapsus, d’un repas froid…le guide s’effaça alors, non sans se livrer à un commentaire gentiment ironique : « je vous laisse savourer les kilomètres, la fête ne fait que commencer ». Notre première étape nous permettra de découvrir ou revoir le pont Julien, si bien conservé mais affublé d’un trop proche voisin et concurrent aussi pratique qu’inélégant…

 

A Cavaillon, notre animateur nous fera rêver aux accents de l’émission Qui veut gagner des millions ? en nous confiant qu’en ces lieux pétris d’histoire, il peut se trouver qu’un jardin recèle un monceau de pièces d’or enfouies…qu’il suffit d’exhumer. Avouons que c’est tout de même plus lucratif que les vains efforts déployés, par les acteurs de la fable le laboureur et ses enfants. Mais tout le monde n’étant pas bassement matérialiste, il recourra au genre hagiographique pour citer l’exemple de son cousin qui, résistant aux sollicitations des collectionneurs ou autres pilleurs de patrimoine, offrira les statues découvertes dans sa cave, à la Nation !

 

N’oubliant pas que notre archéologue nous fut présenté à l’Académie, avec, entre autres mérites, un passé de plongeur sous-marin, nous estimons que nous nous en tirons bien…en ne descendant pas plus bas que les caves d’Apt…étrange perspective cependant, n’est-ce pas ?…Rapportant les propos de quelques confrères facétieux, je pourrai m’étonner que les Romains ait eu la fâcheuse idée de creuser des gradins et des voies dans les sous-sols de cette ville mais les Académiciens, dans l’ensemble, sont des gens sérieux qui savent que les injures du temps et l’absence de respect de la part des civilisations postérieures ont laminé ces manifestations du pouvoir romain qui implantait dans son immense empire son « prêt à porter », ses « kits » composés d’un amphithéâtre, d’un forum, d’une basilique, d’un cardo et d’un décumanus et plus si nécessaire ; les plans de tous ces édifices étant gravés, semble-t-il, sur une pierre plus aisée à déplacer pour les architectes itinérants de jadis que le menhir d’Obelix. Pour tout dire brièvement c’est Jules César qui voulut qu’Apta Julia fût implantée sur la via Domitia pour notre bonheur du jour et c’est Hadrien qui y perdit son cheval Borysthène. La première cave présentée par M.de Michèle, un autre bon conteur et spécialiste talentueux d’archéologie, nous mit en présence de la fosse où se dissimulait le rideau de scène pendant les spectacles, et les cavités où s’implantait le mécanisme sophistiqué qui permettait de le hisser. Les étapes des découvertes successives ont bien été mises en valeur, agrémentées des réactions du curé de la cathédrale, un peu inquiet d’une possible résurgence de pratiques ancestrales au fur et à mesure du dégagement sous ses pieds des statues ne dissimulant aucun de leurs attributs, en particulier le dieu Pan. Peu de volontaires ayant été tentés par un cheminement dans la tranchée dégagée, on passa à la cave suivante.  Après les jeux des grands ceux des petits nous furent dévoilés grâce à la découverte de quelques trous sur les dalles parfaitement imbriquées d’un cardo correspondant au tracé d’un jeu d’enfant. On pourrait être tenté de penser que l’imagination des archéologues est débordante mais ils voyagent, ils lisent et ils échangent des documents ce qui leur permet de découvrir en d’autres lieux les mêmes pratiques. Ils sont habiles d’ailleurs, parvenant à conquérir des caves pour leurs fouilles en convainquant seulement les propriétaires que ce lieu a une température trop élevée pour que du vin puisse y être entreposé dans de bonnes conditions, le volume de ces dernières nous permit d’imaginer tout ce qui dut être déplacé pour favoriser ces explorations.

 

Puisqu’on en est aux agapes, votre narrateur, sollicité lors de la préparation de cette sortie, la semaine précédente, entendit alors de la bouche du président d’ARCHIPAL : « pour le repas vous pourrez aller chez mon cousin Alphonse » ce qui pouvait avoir les relents d’un conflit d’intérêt ! Mais au moment de s’exécuter, car il fallait « far credenza » comme disent nos voisins italiens, ne voilà-t-il pas que notre ami Jean-Marie Gassend recourut à peu près aux mêmes propos « Alors, nous allons chez mon cousin Alphonse ? ». Tout laissait à penser que des liens de parenté unissaient tous ces Vauclusiens. Mais il n’en était rien, le restaurant portait tout simplement l’enseigne « chez mon cousin Alphonse », comme chacun put s’en rendre compte ce mercredi 20 novembre 2013. C’est en ce lieu que nous reprîmes des forces et que nous renouvelâmes nos provisions de chaleur.

 

Kir, salade landaise, lasagnes au sanglier et aux cèpes, choix entre une vingtaine de desserts, café et pousse-café, tout était de nature à satisfaire les palais.

 

 L’église étant fermée, les nouveaux vandales en sont la cause, nos pas nous conduisirent immédiatement au Musée de la ville ouvert pour nous. La conservatrice nous en fit les honneurs. Et bercés par la musique des lampes de poche écologiques de nos confrères qui tournaient avec détermination leur petite manivelle dans l’espoir d’en obtenir une énergie suffisante pour dégager un petit halo lumineux facilitant leur découverte…nous contemplâmes d’un côté les gradins réservés au haut du pavé de la cité et de l’autre la structure arrondie d’un ambulacre ou couloir de desserte. Des pots de pierres coniques munis d’un couvercle évoquèrent pour certains les récipients contenant les popcorns de nos cinémas américanisés, basses considérations heureusement rachetées par les questions inattendues de notre trésorier dont l’esprit curieux nous surprendra toujours et qui voulait savoir pourquoi le nom Cardo était utilisé alors que tout un chacun l’entend sans se soucier de savoir qu’il peut être traduit par « pôle »  ou « gond » donc « axe » et qu’il correspond à un tracé nord-sud dans une ville.

 

Nous pourrions laisser madame de Staël conclure notre visite : « la lecture de l’histoire, les réflexions qu’elle excite, agissent moins sur notre âme que ces pierres en désordre, que ces ruines mêlées aux habitations nouvelles » mais ce serait nous priver de la suite. Notre itinéraire nous conduisit encore devant la vitrine d’un artisan qui perpétue la tradition des faïences de la ville à l’aspect marbré en raison d’un mélange d’argiles différentes. Nous fîmes ensuite halte dans une confiserie qui développe à grande échelle une autre tradition locale. Le peu de temps restant nous priva  de la présentation du mode de fabrication mais nous permit une dégustation de laquelle émergent des parfums de clémentines et de gingembres confits.

 

Un grand merci à Jean-Marie Gassend, à M. de Michèle, à ARCHIVAL et ses représentants, au président de notre commission Loisirs, à tous les présents dont la bonne humeur a contribué à la réussite de cette journée. Et nous associons tous ceux qui n’ont pu nous rejoindre pour des raisons diverses et auxquels nous avons bien pensé.

B.MILLE