Académie des Sciences, Agriculture,

Arts et Belles Lettres d'Aix-en-Provence

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Les Échos de l’Académie

Académie des Sciences, Agriculture, Arts et Belles Lettres d'Aix-en-Provence

 

N° 3 - 22 avril 2020

 

 

 

Sommaire

 

1. Éditorial, par le Président Jean-Pierre Centi 1

2. Billet - Pandémies et vœux à Notre-Dame, par Jean Meyer 2

3. Nouveaux membres d'honneur : Maryvonne de Saint-Pulgent 4

4. Nouvelles du Château de Lourmarin 5

5. Lourmarin, 9 avril 1955 : journée historique 6

6. Une image, un jour 9

7. Portrait – Gaston de Saporta 9

8. Annonces et liens utiles 11

 

 1.   Éditorial, par le Président Jean-Pierre Centi

« Le covid-19 est la plus grave crise sanitaire qu’ait connue la France depuis un siècle », affirmait le Président de la République le 12 mars 2020. Le 16 mars il enjoignit la population française de se confiner dès le 17 mars à midi, sous peine de sanctions. La mesure est extrême, plus coutumière du régime politique chinois que de nos démocraties occidentales. Est-ce vraiment la plus grave crise sanitaire depuis un siècle ?

En 1918-1919, la « grippe espagnole » dénommée « la Grande Tueuse » fit en France 408.000 victimes. Il n’y eut pas de consignes nationales contraignantes et il incomba aux conseillers départementaux d’aviser. La « grippe asiatique » en 1957 décima 100.000 personnes de tous âges en France et les autorités sanitaires étaient complètement démunies. En 1969-1970, la « grippe de Hong Kong » fit 30.000 morts dans notre pays et c’est à peine si l’on s’en aperçut. Quelle fut la pandémie la plus grave ? Les experts ont cherché à élaborer un indice de gravité mais, au vu des controverses qui s’étalent devant nous, nul ne s’étonnera que les critères retenus soient loin de faire l’unanimité à ce jour. Cet indice ne sert à rien. La cacophonie des experts    se    double   des   atermoiements des responsables politiques et

d’incohérences de communication qui en viennent même parfois à être maquillées en stratégie lucide et garante. Avoir tort ou raison semble n’avoir plus aucune signification, alors que nous attendrions franchement une gestion maîtrisée, cohérente et rassurante.

L’anxiété face à la pandémie est naturelle. Notre confrère Jean Meyer dresse ici un parallèle entre la ville d’Apt lors de la grande peste de 1720 et la ville mexicaine de Zamora frappée par le choléra en 1850. Dans les deux cas, on vénéra la Vierge Immaculée et l’épidémie cessa. Mais aujourd’hui notre état mental est profondément modifié : nos rapports à la maladie ne sont plus ceux des siècles passés. Même ceux qui doutent du progrès attendent tout du progrès de la médecine. Cette évolution  est un bienfait. Or le progrès des techniques est entrepreneurial par nature et s’accommode mal, voire pas du tout, du motif de précaution et des « bonnes » permissions de l’État prodigue auxquelles on s’en remet. Les décisions politiques  qui ont été prises sont vulnérables parce que l’anxiété supplémentaire générée par la réclusion de masse se prolonge de troubles psychologiques ultérieurs. S’ajoute la perte de 2 milliards € par jour de confinement, un coût astronomique pour notre économie hyper-endettée. Toutes les activités sont atteintes, chacune à sa manière, comme le révèle notre confrère Max Michelard, Président de la Fondation de Lourmarin. Et puis il faudra faire redémarrer une économie nationale en profonde dépression.

Pourtant, les réactions face à la pandémie ne sont pas toutes identiques. En Allemagne les 16 Länder ont eu un rôle préventif majeur et dès le début l’on a fait appel à la responsabilité individuelle et à un confinement personnalisé plutôt que massif. Dans ce pays à la population plus nombreuse et plus vieillissante qu’en France, on comptait le 16 avril 3.850 décès contre 17.000 en France, les hôpitaux n’ont jamais été saturés et l’économie repart déjà. Nous ne nous rétablirons certainement pas de sitôt. Espérons que nous puissions tous nous retrouver en notre château de Lourmarin le plus vite possible sous un soleil radieux.

 

 

Jean-Pierre Centi

Président de l’Académie d’Aix

 

 

 

2. Billet - Pandémies et vœux à Notre-Dame,

par Jean Meyer

 

 

Comparaison n’est pas raison, mais on peut suivre des parallèles  intéressants. Ainsi entre la ville d’Apt, en 1720, lors de la grande peste qui frappa la Provence et le Languedoc, et la ville mexicaine de Zamora, lors de la grande vague de choléra en 1850. Deux villes que je connais très bien, puisque Apt fut le refuge de mes parents alsaciens entre 1940 et 1944 et que la famille s’y est enracinée ; Zamora, puisque ma femme et moi, et nos enfants, y avons vécu dix ans.

 

Quand nous étions petits, ma soeur et moi, lors de nos fréquentes vacances  en Apt, nous montions tous les jours à la colline Saint-Michel pour jouer autour de la chapelle de Notre-Dame de la Garde ; une fois par an, au moins, notre père André Meyer, nous expliquait que la chapelle avait été édifiée en 1721, pour remercier la Vierge qui avait arrêté la peste, débarquée à Marseille, le 25 mai 1720, avec le bateau le Grand Saint-Antoine. Dans son Livre de raison, le chanoine aptésien Jean- Baptiste Chastan nota :

« L’an mil sept cent vingt et le premier août, on a reçu un arrêt du Parlement, qui défend la communication avec Marseille sur un soupçon de peste. On a pourtant laissé entrer le frère de Mgr l’évêque, avec son épouse et son fils, sur un billet de santé de la ville d’Aix. Une femme, arrivée ce jour-là de Marseille, est morte dans la nuit de la peste. Cela a fait grand bruit dans la ville. Un capucin la confessa a onze heures du soir. On a été heureux de ne pas l’avoir laissée rentrer dans la ville. Le conseil s’est assemblé le 2 août pour établir la garde aux deux portes royales de Saignon et de la Boucquerie. »

 

La contagion progressa vite, car des personnes venues du dehors s’étaient introduites dans les environs immédiats. Octobre vit le pic de la contagion ; quand le mal cessa, en mars 1721, il avait emporté 251 victimes en Apt, ce qui est relativement peu, et de peu de durée, si l’on compare avec d’autres villes. C’est sans doute pourquoi la population fit le vœu, vite réalisé de remercier la Vierge en élevant la chapelle de Notre-Dame de la Garde.

 

Le Mexique se relevait à peine des désastres de l’agression américaine (1846- 1848), les dernières troupes d’occupation se retiraient, quand arriva le choléra morbus qui avait déjà frappé en 1832. Zamora, dans le Centre Ouest du Mexique, était une ville de 7.000 habitants, un centre commercial et agricole prospère. J’ai révisé les archives paroissiales, les livres de décès – l’État Civil tenu par l’État n’existait pas encore - et j’ai recensé 1.150 actes de morts dues uniquement au choléra. Le fléau fut introduit a la fin du mois de janvier par le nouveau détachement militaire. Le premier mort fut un soldat que le curé eut le temps de confesser, nous dit le chroniqueur. L’épidémie flamba aussitôt : « Pour faciliter les secours, la ville se couvrit de drapeaux blancs et noirs, le blanc quand on demandait le secours du médecin, du pharmacien, du prêtre ; le noir quand on appelait le fossoyeur… Passaient les charrettes chargées de cadavres… Beaucoup de gens fuirent a la campagne, propageant le mal. » Dans le village voisin de Chavinda, j’ai compté 450 morts, soit 60% de la population.

 

Au  quarantième  jour,  au  début  de  mars,  le  curé,  nous  dit  le chroniqueur,

«  trouva le remède, en nous mettant entre les mains de Dieu et de son auguste Mère

» Le conseil municipal se réunit avec les notables ; on proposa comme patron de la ville, saint Louis, saint Philippe ou la Vierge Immaculée. Le 8 mars, en une grande et solennelle cérémonie multitudinaire sur la place principale – sans garder « la saine distance »- , un petit garçon tira au sort, trois fois de suite, et trois fois sortit le nom de la Vierge. « La foule cria. « Sauve nous Marie très sainte, sinon nous périssons ! ». Les cloches de toutes les églises de carillonner, multitude de pétards, la musique militaire déchainée… Zamora avait une patronne dans le ciel. » L’épidémie cessa peu après et la ville fit le vœu d’élever une église dédiée a l’ Immaculée Conception. Ce qui fut fait et depuis, jusqu’à ce jour, le 8 mars, les habitants de Zamora célèbrent la

« Purísima ».

 

Jean Meyer,

Membre correspondant de notre Académie Depuis Mexico.

 

Jean MEYER

est un historien Franco-mexicain, d'origine alsacienne mais élevé en Provence. Il est membre correspondant de l'Académie d'Aix.

Notre confrère, auteur de nombreux ouvrages, est notamment connu pour ses travaux sur "La guerre des Cristeros", épisode particulièrement tragique de l'histoire du Mexique (1926-1929).

Jean Meyer qui a enseigné et vit au Mexique depuis plusieurs décennies a reçu notamment le Prix national des sciences et des arts (2011)

 

À lire, entre autres, La Christiade : l'Église, l'État et le peuple dans la Révolution mexicaine. Payot 1975

La Révolution mexicaine 1910-1940 chez Taillandier.

 

 

3. Nouveaux membres d'honneur :Maryvonne de Saint-Pulgent

 

 

Élue membre d’Honneur de notre Académie le 3 mars 2020.

 

Née à Châlons-sur-Marne, elle fait des études de lettres et poursuit à l’Institut d’Études politiques de Paris, puis à l’École nationale d’administration mais aussi au Conservatoire national supérieur de musique et de danse où elle obtient un premier prix de piano.

 

Conseillère au tribunal administratif de Paris (1976-1986), Maître des requêtes au Conseil d’État (1986-1998), Conseiller d’État depuis 1998, Directrice du Patrimoine au ministère de la culture (1993-1997), Directrice de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites (1994), présidente depuis 2007 du Comité d’histoire du ministère de la culture.

 

Maryvonne de Saint-Pulgent a été présidente du conseil d’administration du  théâtre national de l’Opéra-comique, présidente du conseil d’administration de l’Institut géographique national, membre du conseil d’administration de l’Établissement public du Musée d’Orsay et du Musée de l’Orangerie. Elle est depuis juin 1993 membre correspondant de l’Académie des beaux-arts. Elle a été chargée de cours à Sciences Po et à l’École supérieure de commerce de Dijon, professeur associé de musique et musicologie à l’Université Paris IV Sorbonne. Elle est depuis 2008, professeur associé à mi-temps à l’Université d’Aix-Marseille et préside depuis avril 2015 le conseil d’administration de l’Institut d’études politiques d’Aix.

 

Depuis 2005, elle est présidente de la Fondation des Treilles. Elle a été éditorialiste à l’hebdomadaire Le Point et elle est chroniqueuse et productrice sur France Culture. Commandeur de l’Ordre de la légion d’Honneur, Commandeur de l’Ordre national du mérite, Commandeur des Arts et des Lettres.

 

ŒUVRES :

La jurisprudence communale, 1979.

George Gershwin (en coll. avec Denis Jeambar), 1982. Le syndrome de l’opéra, 1991.

Le gouvernement de la culture, 1999.

Culture et communication, les missions d’un grand ministère, 2009. L’Opéra-Comique, le Gavroche de la musique, 2010.

 

 

 4.   Nouvelles du Château de Lourmarin

 

Le Château ne fait pas exception à la règle : en application des directives gouvernementales il est fermé aux visiteurs depuis le 16 mars dernier.

Pour l’essentiel le personnel a été placé en chômage partiel. Seule la directrice des affaires culturelles, placée en télétravail, assure le règlement des affaires courantes. Pas de changement pour le gardien : quoique « confiné » dans le domaine, il peut en assurer l’entretien.

La situation, banale dans le paysage actuel, est bien sûr inquiétante : les charges perdurent et les recettes sont réduites à néant. Certes l’État prend en charge le chômage partiel mais il faut tout de même puiser dans les réserves de trésorerie pour assurer le quotidien.

 

Comment se comporteront les touristes lorsque le confinement sera levé et la réouverture rendue possible ? Nous ajustons notre programme d’activités en fonction des informations, ordonnances, recommandations qui nous parviennent au jour le jour. Nous avons annulé certaines manifestations, nous serons certainement amenés à en annuler d’autres d’ici la fin de ce mois.

 

Téléphone et Internet nous rendent un grand service. Toutefois, ayant délivré (y compris à moi-même) quelques justificatifs pour déplacement professionnel, nous pouvons nous retrouver sur place pour les sujets les plus délicats.

Les Amis de Lourmarin essaient aussi de maintenir le contact entre eux par envoi de lettres. Vous trouverez ci-après le N°5 qui évoque une visite prestigieuse.

God save the Queen !

 

Max Michelard 16/04/2020

 

 

 5.   Lourmarin, 9 avril 1955 : journée historique

 

 

 

" Le vendredi 9 avril 1965, le Château de Lourmarin eut l'honneur de recevoir la visite de S.M. Elizabeth, Reine Mère de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord.

Sa Majesté était accompagnée de Monsieur le Vicomte de Noailles, Madame la Baronne Fermoy, Sir Ralph Anstruther, Monsieur et Madame Robert Faye, Sir Fenkins.

A sa descente de voiture, S.M. la Reine a été accueillie par M. Guibert, sous-préfet d'Apt, Monsieur Barthélémy, nouveau maire de Lourmarin et Madame Juliette Lisle, Conservateur.

 

Monsieur le Doyen André Audinet, ancien Président de la Fondation de Lourmarin, ancien administrateur, représentait le Président et le Vice-Président, empêchés par leur éloignement dû à des obligations professionnelles.

Deux jeunes enfants du village ont offert à sa majesté deux grosses bottes de narcisses, fleurs printanières du terroir. Le même geste a été renouvelé avec une gerbe de roses par la petite fille de Madame la conservatrice du château au pied du magnifique escalier qui permet d'accéder aux étages supérieurs.

 

Cet escalier, Sa Majesté l'a emprunté d'un pas gracieux malgré les inégalités de ses marches dues aux injures du temps.

Sa Majesté fut conviée à s'asseoir dans la grande salle de la " Salestre " du 1er étage qui est de tradition la salle de réception des hôtes marquants. Elle y suivit avec une bienveillante attention l'allocution de Monsieur André Audinet où il lui fut retracé les origines historiques du Château de Lourmarin, son implantation dans le passé de la Provence, son sauvetage par Monsieur Robert Laurent-Vibert, et le but de la Fondation culturelle de noble réputation qu'il a instaurée testamentairement  et dont le rôle spirituel ne cesse de se développer..."

..../...

Monsieur Sibertin Blanc, ancien conservateur de la bibliothèque Inguinbertine de Carpentras, actuellement conservateur de la bibliothèque universitaire d'Aixen nous faisant bénéficier de sa patiente érudition nous avait rappelé lors des dernières journées du Luberon que François 1er était venu à Lourmarin en décembre 1537. Il aura donc fallu plus de quatre siècles pour que nous soyons honorés d'une seconde visite royale...

 

 6.   Une image, un jour :

 

Les membres de l’Académie d’Aix réunis ce 14 avril 1929 autour de Son Excellence Mgr Rivière

Archevêque d’Aix Arles et Embrun

 

 

 

 7.   Portrait – Gaston de Saporta

 

 

Marquis Louis Charles Joseph Gaston de SAPORTA.

 

Il nait à Saint-Zacharie le 28 juillet 1823, d’Adolphe de Saporta entomologiste réputé et d’Irène Boyer de Fonscolombe dont le père est botaniste et entomologiste.  Il épouse le 16 novembre 1846 Valentine de Forbin la Barben qui le laissera veuf le 20 janvier 1850. Il se remariera en 1854 avec Emilie (ou Clotilde ?) de Gabrielli de Gubbio.

Au  cours  des  années   1850,   il   commence   à   s’intéresser   aux   plantes fossiles   et   continuera   de   les   étudier   jusqu’à   la   fin   de    sa    vie,    d’abord dans  la  région  d’Aix,  puis  dans  l’Aude,  la   Marne,   les   Alpes   de  Haute-Provence, la Côte d’Or, l’Ain, la Haute-Loire, le Puy-de Dôme, la Grèce, la Belgique et le Portugal. De là, de nombreuses communications à de nombreuses sociétés savantes, de nombreux articles et ouvrages dont vingt-deux volumes consacrés à la paléontologie végétale.

 

Il devient membre titulaire de l’Académie d’Aix en 1866 (22e fauteuil), préside notre compagnie à trois reprises (1869-1872, 1881-1883 & 1893-1895), et en

est le Secrétaire Perpétuel de 1877-1893. Il est élu membre de l’Académie de Marseille en 1872 et membre correspondant de l’Académie des  Sciences en 1876.

Le 3 avril 1869, au congrès des sociétés savantes à la Sorbonne, il obtient une médaille d’or pour ses recherches sur les végétaux fossiles. Il entretient une correspondance avec Darwin à partir de 1872 et lui fait part de son hypothèse sur le phénomène appelé aujourd’hui co-évolution.

Il sera fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1873 et publiera en 1889 un ouvrage sur « La famille de Madame de Sévigné en Provence ». Il meurt à Aix le 26 janvier 1895, et la rue de la Grande Horloge où se trouvait son  hôtel  particulier porte désormais son nom.

 

Jean Bonnoit

 

 

 8.   Annonces et liens utiles

 

• Les portes de la cathédrale de Saint Sauveur : https://www.aixendecouvertes.com/portes-saint-sauveur-aix-reproductions/

(c'est Damien Pachot, "Aix en découvertes", qui l'a révélé...)

 

• Jean-Claude Gautron, pour suivre sa présentation des Fauves :

https://youtu.be/FoN9qJc02AE

 

• Commémoration : la « Journée nationale des mémoires de l’esclavage, des traites et de leurs abolitions » du 10 mai nous invite à nous souvenir de tout ce que la France d’aujourd’hui doit à l’esclavage, aux résistances et aux

combats pour l’abolir, et aux populations qui en sont issues. Fête citoyenne et fraternelle, elle est ainsi l’occasion de célébrer l’identité mondiale de la

France, sa diversité, sa culture créolisée. Du 27 avril jusqu’au 10 juin, commémorations dans les outre-mer.

 

www.memoire-esclavage.org

http://gip-mmeta.org