Académie des Sciences, Agriculture,

Arts et Belles Lettres d'Aix-en-Provence

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Dans le sillage du Grand Saint Antoine

 

La navigation réserve parfois des surprises ce qu’Académiciens téméraires et conjoint, nous avons vécu ce jeudi 1 octobre 2015. Ayant accordé une confiance aveugle à notre confrère Jean-Marie Gassend, nous avions compris que le port de destination annoncé était le Frioul et que cette expédition avait pour but de raviver le souvenir du Grand Saint Antoine, vaisseau qui introduisit la Peste à Marseille en 1720.

 

Pour rapporter les faits tels qu’ils se sont produits, les uns et les autres, nous nous sommes, en fait, retrouvés au château d’If…qui est une étape sur le trajet. D’ailleurs nous découvrîmes qu’y faire escale expose à la double peine, car nous avons dû verser une obole pour débarquer et une autre pour pénétrer dans le fort… Au pied du grand escalier que nous avons appris à connaître, l’ayant gravi et descendu à plusieurs reprises, au point qu’il devint pour nous une sorte d’échelle de Jacob inversée car l’enfer carcéral était au sommet…notre animateur nous a présenté  Michel Goury.

 

Ce dernier est l’auteur du livre, primé par l’Académie d’Aix, qui résout toutes les énigmes liées à ce vaisseau parti de Marseille et revenu chargé d’Indiennes infectées (il est ici question de tissus imprimés) de ce qui allait répandre la peste dans la cité phocéenne. A la faveur de ces présentations, nos deux plongeurs sous-marins (car si l’un écrit et l’autre dessine, tous deux plongent) nous persuadèrent d’ailleurs qu’ils se téléphonaient sous l’eau! Nous étions bien en présence de locaux, de Marseillais, honorant la réputation de ce nom très prisé.

 

Parvenus devant l’entrée du Fort, nous fut accordée une pause qui permit d’évoquer…non pas l’abbé Faria ou Edmond Dantès, personnages virtuels bien que logés dans deux cellules inconfortables au possible par les scénographes locaux mais Kléber, le général alsacien assassiné dont la dépouille fut exposée fort longtemps en ces lieux…après que le couteau assassin eut été retiré de sa plaie par le docteur Gassend, un ancêtre de notre guide!

 

Sortes de pèlerins de l’Histoire, nous avons ensuite découvert la cellule du capitaine Chataud emboitant le pas à Michel Goury dont les explorations sous-marines et les recherches dans les archives ont permis de reconstituer l’épopée évoquée plus haut!

 

Aixois nous avons accompli un pèlerinage à la cellule occupée par Mirabeau que son père s’efforçait d’assagir, recourant aux moyens variés du temps mais sans grand succès. Une récréation nous fut octroyée qui permit d’explorer tous les recoins de l’île et de tirer profit du temps ensoleillé qui la plongeait ainsi que ses alentours dans une lumière merveilleuse.

 

Rejetés par les marins des autres compagnies desservant les îles de la rade, il nous restait à espérer le retour de notre bateau que l’un des nôtres suggéra de baptiser Godot. En attendant, notre confrère archéologue nous installa tous sur les rochers qui cernent le port, taillés en diamant par l’érosion. Il laissa son confrère évoquer ses découvertes attestant de l’histoire mouvementée de la rade et exhiba d’un immense dossier une série de planches plus remarquables les unes que les autres qu’il offrit à chaque couple en récompense de l’attention portée à ses propos. Elles  présentaient dans le détail, les plans d’architecte dressés en vue de l’établissement de la digue du port de Marseille dont la matière première provenait des falaises du Frioul. Et nous découvrîmes que ces chefs d’œuvres étaient à nouveau de la main d’un autre ancêtre Gassend ! Quelle famille!

 

L’après-midi étant entamé sans que nos estomacs aient été satisfaits, le passage d’un groupe d’étrangers ayant  tellement fait honneur aux nourritures et boissons locales que nous nous trouvions privés de toute ressource alimentaire sur cet îlot…nous commencions à désespérer.  Sur ces entrefaites un navire, fendant les flots, surgit. Nous prenions alors conscience de ce qu’il était notre salut. C’eût été trop beau, les billets dont nous étions pour la plupart porteurs ne correspondaient pas au trajet à effectuer…il fallut toute l’autorité d’un juriste pour nous sortir de ce mauvais pas. Et notre acheminement jusqu’au Frioul fut enfin assuré.

 

Une fois débarqués nous parcourûmes en quelques minutes la centaine de mètres qui nous séparait du restaurant. L’apéritif permit de patienter encore pendant qu’en cuisine s’élaboraient les moules frites ou duo de poissons que le serveur apporta enfin, vers 15 h, en terrasse, avec beaucoup d’égards pour les dames ce que nous avons plaisir à souligner et qu’elles apprécièrent.

 

Il restait peu de temps avant le départ du bateau, mais ce fut assez pour monter vers la chapelle aux allures de temple qui domine le port. De là, nous regagnions la digue car celui que nous devions rencontrer ne nous avait pas attendus…et nous pûmes observer les falaises rognées par les diverses machines qui avaient été mises au point pour en extraire la précieuse pierre qui devait protéger le port. Les plus inconscients s’éloignèrent un instant de l’embarcadère pour aller observer l’entrée du tunnel qui permit de dynamiter les rochers.

 

Enfin notre bateau revint et nous achemina jusqu’au quai du Vieux-Port où prit fin notre expédition.

 

Que soient remerciés nos guides pour leur érudition et les magnifiques reproductions qui nous furent offertes, les participants pour leur bonne humeur qui contribua à rendre cette expédition riche d’imprévus pleinement ludique et le soleil pour sa présence assidue.