Académie des Sciences, Agriculture,

Arts et Belles Lettres d'Aix-en-Provence

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Chronique subjective d’une sortie de l’Académie d’Aix

à Antibes et Nice

 

Mercredi 8 Juin 2011

 

Privés de la compagnie de notre secrétaire et de notre secrétaire adjoint ainsi que de leur conjoint, nous ne pouvons donner de notre expédition sur la Côte d’Azur qu’un compte-rendu à caractère anecdotique afin de conserver au genre toute sa solennité.

 

La nouvelle de l’absence de notre secrétaire adjoint dont nous avons pris connaissance au moment du départ nous a plongés dans la tristesse...mais notre président a su habilement nous distraire en distribuant un document d’une page seulement écrit par le professeur de Lumley, dont nous pouvons dire qu’il était particulièrement succinct. En effet, si l’on prend pour point de départ l’histoire de l’univers, il couvrirait 13,7 milliards d’années et si l’on se contente de l’apparition des premiers homidés, il résumerait 7 millions d’années, autant dire qu’il s’agissait d’une littérature bien digeste, si elle n’avait été assortie de la perspective d’une interrogation écrite, le lendemain. La première halte fut agrémentée d’échanges assez sereins à ce propos, tandis que d’aucuns sirotaient un café ou se délectaient d’une glace. La seconde occupation pour le reste du parcours fut le choix du menu qui comportait cependant deux points d’interrogation : le nom du poisson déjà entendu certes mais peu précis dans les mémoires et l’intitulé « panna cotta » à définir avec plus de précision. Il n’échappa pas à l’œil vigilant du gestionnaire avisé de Lourmarin que les choix des convives présentaient une inadéquation par rapport au nombre de présents. Tout rentra dans l’ordre rapidement !

 

 

L’accès des cars au centre-ville d’Antibes n’étant pas  franchement encouragé, il fallut trouver une solution pour rejoindre notre guide ou pour qu’elle nous rejoigne. Une petite marche sur les remparts permit d’admirer la mer et d’entendre formuler par certaines le rêve caressé d’un bain en lieu et place de notre visite…un détournement d’activité en quelque sorte.

Puis ce fut l’arrivée au musée Picasso où sont présentés des peintures, des céramiques, des aquarelles, des dessins et une série de plats figurant dans des boîtes de confection peu onéreuse. Ce dernier aspect retint toute l’attention de notre trésorier dans la perspective d’une présentation des collections du Musée Arbaud.

Des commentaires sur l’œuvre, on tira la conclusion que Picasso était un bon gestionnaire car sa matière première : contre-plaqué, éverite, peinture Ripolin ne devait pas grever son budget et ensuite et surtout qu’il aimait les femmes ; qu’il en appréciait les rondeurs et qu’il les rendait avec insistance, avec délectation…que son attention se portait parfois sur leurs pieds mais que dans tous les cas il négligeait leur tête…en revanche, dans un autre domaine, il aimait les oursins. En reprenant les sonorités d’une publicité célèbre on serait presque tenté d’écrire Picasso: des reins, des seins...des oursins !

Une incursion furtive dans la salle où étaient exposées des toiles de Nicolas de Staël permit de saisir qu’il ne faisait aucune ombre au Maître car ses formes de prédilection étaient rectangulaires.

 

Deux d’entre nous ayant voulu s’assurer de ce que l’église cathédrale serait encore ouverte à l’issue de notre visite, malgré l’approche de midi, se virent interdire le retour au musée…Comment a-t-on pu être à ce point inhumain à l’égard de personnes aussi dignes de confiance ? Nous les rejoignîmes donc, et rapidement, nous pénétrions dans la cathédrale pour admirer le retable de Brea car le gardien des lieux, ecclésiastique de son état, ne paraissait pas disposé à de grandes concessions quant au moment de la fermeture des portes, et sa carrure impressionnante (il fut comparé à un Bernardin par l’un des nôtres) incitait plutôt aux concessions.

 

 

D’ailleurs son visage plus épanoui au moment de notre départ confirma notre diagnostic.

Notre cheminement dans les ruelles d’Antibes fut agrémenté de surprises :

 

 

On en veut pour preuve cette maison fort accueillante qui ne pouvait passer inaperçue!

D’ailleurs la fenêtre dépassait en fantaisie la porte.

 

Mais l’auditoire accordait la plus grande attention aux propos de notre guide.

 

Celle-ci nous révéla :

- que les mariés d’Antibes sont gratifiés, par la Mairie, d’un certificat orné d’un dessin de Peynet…

- que cette pratique s’étendait même aux jubilaires pour leur cinquante ans de mariage mais qu’on y a renoncé…cependant le nombre n’a pas dû augmenter dans des proportions inquiétantes !

Le repas en terrasse sur une place de la ville révéla la capacité d’accommodement des convives confrontés à un problème d’ensoleillement partiel, vite résolu par le sacrifice de deux personnes que nous tenons à remercier. Certains ont déploré l’aspect nouvelle cuisine du plat de poisson et le volume réduit des boules de glace mais s’ils avaient choisi le suprême de poulet et la crème caramel ils n’auraient pas eu à se plaindre… notre existence nous expose aux aléas de la Fortune. L’un des serveurs provoqua l’inquiétude des commensaux lorsqu’il annonça que les toilettes étaient fermées à une certaine heure, par arrêté municipal. Notre secrétaire perpétuel après s’être informé de la couleur politique du maire s’empara de son téléphone pour clarifier cette situation mais terrorisé par cette détermination  le farceur confessa aussitôt sa faute et il fut absous ! La surface de couverture des parasols fut augmentée par crainte de la pluie, il fallait donc quitter les lieux pour la poursuite du programme.

 

 Notre itinéraire nous conduisit alors à la chapelle de Notre Dame de la Garoupe dont notre guide nous apprit qu’elle n’était finalement qu’un « copié-collé » de Notre Dame de la Garde puisque les fidèles du cap avaient entendu évoquer l’efficacité de la Bonne Mère, pendant une épidémie,  et qu’ils pourraient l’invoquer chez eux, pour le même résultat. Mais au lieu de superposer les églises, comme à Marseille, ils ont opté pour la juxtaposition de celles-ci d’où ces deux chapelles l’une à côté de l’autre.

 

Sur cette presqu’île quelques panneaux annonçant la vente de propriétés délabrées d’ailleurs, ont inspiré certains académiciens qui ont suggéré de nous dessaisir  du bâtiment sis au 2 A rue du Quatre Septembre à Aix pour nous  installer dans ce cadre envié…mais nous sommes déjà confrontés aux problèmes posés par notre implantation sur deux départements…il ne faudrait pas en ajouter un troisième au risque de déstabiliser nos élus !

 Notre arrivée à Eilenroc nous a confrontés à une situation prémonitoire car les grilles étaient fermées…

 

Lorsqu’elles furent ouvertes (ils prennent bien leur temps dans ce pays !) nous pûmes découvrir un amoncellement de matériaux qui annonçait une métamorphose des lieux…Par chance, l’entrée dans la maison nous fut accordée, d’ailleurs les volets s’ouvrirent les uns après les autres comme un calendrier de l’Avent !

 

Les dimensions très honnêtes du bâtiment confèrent aux pièces un caractère très gracieux.

La salle à manger apparaît très conviviale !

 

De même que le salon.

 

La terrasse favorise les échanges.( Certains d’entre nous en apprécièrent le confort des sièges et la sérénité)

 

Les détails sont soignés.

 

Une salle de bain est assez impressionnante, une autre aux dimensions plus réduites, est recouverte de marbre blanc et sa robinetterie est dorée.

 

Et on jouit d’une très belle vue sur la mer.

 

Les nuages ayant une fâcheuse tendance à s’amonceler sur notre tête, il fallut prendre la route pour rejoindre le jardin Thuret.

 

Dès l’abord notre biologiste de guide nous inquiéta quelque peu en raison de son équipement composé notamment d’une paire de jeans et d’un sac à dos. Nous pouvions redouter une randonnée au caractère sportif marqué.

Mais il prit le temps de se saisir d’une plante qui passait par-dessus le mur d’enceinte et de nous en révéler le cheminement jusqu’en ces lieux, nous avons aussitôt compris que l’expédition ne serait pas haletante.

En revanche il apparaissait très clairement que le personnage était passionné par son sujet, qu’il avait quelques comptes à régler avec la médecine…et plus particulièrement avec les médicaments…qu’il éliminerait volontiers tous les écureuils venus d’ailleurs, qu’il ne lui aurait pas déplu de titiller un peu les Corses…enfin qu’il était convaincu de ce que les plantes étaient bonnes jusqu’à un certain point et nocives par ailleurs.

 

Son sac à dos ne contenait pas son pique-nique, ce qui aurait pu éventuellement nous être utile pour la suite des évènements, mais des boîtes en plastique d’où il extrayait, dans le cadre d’une mise en scène gracieusement orchestrée, des graines qui étayaient son propos. L’auditoire fut suffisamment convaincu pour supporter stoïquement le petit grain qui s’abattit sur le lieu et accorder une indéfectible attention aux propos tenus.

 

Mais le temps passait…dix huit heures sonnèrent et la visite se poursuivit…jusqu’au moment où nous nous trouvâmes confrontés à cette double réalité: la fermeture des portes et la disparition du concierge qui aurait pu nous délivrer !

Aussitôt  quelqu’un tira la conclusion que nous étions prisonniers…ce qui suscita, contre toute attente, une grande hilarité. Les réalistes commençaient à établir l’inventaire des plantes susceptibles d’être consommées…mais après ce que nous avait dit notre biologiste c’était s’exposer à des risques divers…le chien du concierge, dodu certes mais de taille réduite, fut évalué dans la perspective d’un méchoui…Les scientifiques s’approchèrent du portail dans l’espoir d’en ouvrir les vantaux d’une façon expéditive. L’un d’entre nous franchit la clôture en prenant appui sur la boite aux lettres qui fléchit seulement mais résista. Cependant la délivrance d’un seul ne résolvait pas le problème de l’ensemble des troupes.

Heureusement le téléphone portable du biologiste tira du bâtiment la responsable (dont le bruit avait couru qu’elle était en réunion) qui nous délivra, ce qui provoqua la réflexion de Mme la Présidente, visiblement prise au jeu: « le dénouement est intervenu trop tôt ! ».

 Le car nous conduisit ensuite à l’hôtel Campanile où les chambres nous furent attribuées…et où le buffet des entrées et celui des desserts furent de nature à satisfaire les appétits d’autant qu’un tajine d’agneau à la couronne de couscous établie comme un rempart infranchissable était administré à chacun.

Jeudi 9 juin 2011

 

 

La maison Sumian n’ayant pas sollicité le versement d’arrhes à la commande, il nous est agréable d’assurer sa publicité en immortalisant cet instant mémorable où nous allions prendre la direction du Lazaret. C’est aussi l’occasion de remercier le chauffeur, fort sympathique.

 Sur le front de mer, nous étions accueillis  par nos confrères Sacco et Billioud et leurs épouses  qui ont des liens avec ces lieux. Nous pénétrions ensuite dans l’enceinte de cette grotte-musée du Lazaret mais c’est en haut des marches que nous retrouvions le professeur de Lumley.

Ce dernier captiva son auditoire (on n’est pas né et on n’a pas été professeur à Marseille pour rien), et nous rappela, dans ces raccourcis saisissants qui glacent l’auditoire, que nous boirions de l’uranium à midi…que nos ancêtres étaient de fins gourmets qui recherchaient la substantifique moelle…et qu’ils chassaient les cerfs …ce fut l’introduction écoutée religieusement malgré le bruit de fond dont nous a gratifié une classe d’école primaire dans une activité de découverte.

 

La deuxième étape de notre progression se situait à l’entrée de la grotte et fut surtout centrée sur la géologie et la superposition de couches correspondant aux glaciations et réchauffements successifs.

 

Nous étions enfin autorisés à cheminer sur les passerelles qui permettent de découvrir la grotte…nos grands âges ou notre nombre  nous dispensèrent du port du casque ce qui nous épargna les désagréments qu’aurait pu engendrer la présence toujours possible de poux.

 

Très organisé, le professeur de Lumley sut accorder à chacun des acteurs sa place dans la présentation des lieux.

 

 On ne dira jamais assez combien nous sommes redevables d’inestimables découvertes, à ces jeunes accroupis qui effleurent le sol de la grotte munis d’un pinceau alors qu’ils sont conscients de ne pouvoir progresser que de 4 cm de profondeur dans l’année .

 

 

Revenus à la lumière naturelle nous pûmes admirer les trophées comme les  pierres taillées :

 

sans négliger leur processus de fabrication :

 

Puis ce furent les restes d’animaux : bouquetins, éléphants, cerfs…

 

On ne peut affirmer que les présentations et l’évocation des banquets de nos ancêtres aient ouvert l’appétit de notre compagnie mais le repas au Petit Séminaire retiendra l’attention pour la beauté du site.

 

L’activité de l’après-midi nous conduisit au rez-de-chaussée d’un immeuble inesthétique à souhait mais dressé sur un site riche de la découverte d’un des premiers foyers connus : Terra Amata.

 

D’abord confinés dans la salle où sont préservées les collections et où travaillent les chercheurs, nous avons écouté avec attention l’historique de ce musée.

 

La visite aurait pu durer longtemps, fort longtemps car le guide, responsable du site, était marseillais lui aussi, ne s’en cachait pas et le prouvait. Visiblement passionné par sa matière il a fait revivre cette découverte exceptionnelle à la manière d’un roman policier au point qu’il ne lui restait plus qu’un quart d’heure pour nous faire parcourir le musée lui-même.

 

 

 Sur le chemin du retour, une grande place était accordée, dans les discussions, à l’expression de la gratitude des participants envers les organisateurs et en particulier envers notre président. Il est à noter que l’atmosphère fut très conviviale y compris de la part de celles et ceux qui n’appartenaient pas à notre académie et qui se sont si agréablement joints aux membres présents et à leurs conjoints.