Académie des Sciences, Agriculture,

Arts et Belles Lettres d'Aix-en-Provence

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Toulon

Mardi 28 Mai 2013

 

Le voyage :

 

Ce fut une journée placée sous le signe de l’eau ! D’ailleurs les premières gouttes ont accéléré la montée dans le bus…étendant même le recrutement à trois dames qui devaient finalement se rendre à Montfavet avec Radio-Dialogue…Notre point de rencontre suscite visiblement des émules ! Avant de partir, un petit exercice de grammaire à propos du mode à employer à la suite de l’expression « après que… » permet d’attendre que le quorum soit atteint. Après que le président eut donné le départ, il félicita les participants pour leur exactitude. On a même cru comprendre que ceux qui habitent à proximité n’avaient jamais été au rendez-vous avec une telle avance! En chemin, notre confrère Albert Giraud que l’on se dispute puisqu’il est membre de l’Académie du Var et de celle d’Aix, organisateur de la manifestation, rappelle les enjeux et le programme.

 

La réunion :

 

Accueillis dès notre arrivée, nous sommes introduits dans le Musée de la Marine. Les deux présidents M.M. Keriguy et Michelard se succèdent au pupitre pour adresser à l’assemblée, où se pressent les heureux élus des deux académies dont le sénateur du Var, Monsieur Trucy, des messages de bienvenue pour l’un et de gratitude pour l’autre puis s’échangent des cadeaux qui sont de pures émanations académiques. Ils en profitent pour rappeler les dates des décrets instituant ces deux fleurons: 1833 pour Toulon, ordonnance de 1829 pour Aix. Mais on perçoit bien que l’une et l’autre ont eu une existence antérieure.

 

La parole est ensuite donnée à M.Gilbert Buti qui évoque Henri de Séguiran. Ce noble aixois, ancien premier président de la cour des comptes et aides de Provence se voit charger d’une mission  d’inspection sur les côtes du Levant qui débute en 1633, par Richelieu qui entend mettre en tutelle les rivages et qui l’a apprécié au siège de La Rochelle.  Bien reçu par les autorités locales, il écoute leurs doléances qui révèlent la menace subie par le port à cause des graviers et limons entrainés par deux ruisseaux et la lourdeur des procédures administratives (nihil novi sub sole !). Il note que le port accueille 12 vaisseaux, 7 polacres, 14 barques, 13 tartanes et 40 bateaux de pêche et qu’il abrite des bâtiments étrangers flamands et anglais notamment. Le commerce gravite autour de l’huile, du câpre et du savon.  La sécurité est un souci du moment avec les « risques barbaresques », les vols et « l’esclavitude ». Un inventaire des armes et munitions est établi de même qu’une cartographie est réalisée. Cette observation donne lieu à des suggestions recueillies dans un mémoire où six sujets sont abordés : les ressources de la Provence, les sites à renforcer, la nécessité d’une ordonnance de marine, la création d’un grand arsenal à Toulon (où la population est plus sûre qu’ailleurs), le développement du commerce à Marseille incluant la lutte contre les Barbaresques, le maintien du Bastion de France. Après avoir participé aux combats pour la libération des îles du Levant, il laissera la place à son fils, avant de mourir en 1667. Sa mission fut féconde car ce fut la première prise en compte, par l’état, du fait maritime. Notre conférencier termine en exprimant sa gratitude à nos trois confrères qui ont contribué à sa formation : M.de la Roncière, M.Wolkowitsh et Mme Vaudour.

 

M.Bernard Terlay évoque, pour sa part, Marius Granet qui « las de vivre d’une façon si précaire » à Aix, part pour Toulon engagé dans la Société populaire. Son statut est assez particulier puisqu’il est introduit auprès du général Dutheil. Il lui arrive de dîner à la table des officiers ce qui lui permettra d’entendre un jour l’un d’eux dire à un certain capitaine Bonaparte de copieusement se servir du plat de cervelle car il en a bien besoin ! Il décrit les troupes, admire les paysages, exécute des dessins de batterie ou de redoute de sans-culotte puisqu’il est retenu comme dessinateur. C’est d’ailleurs en artiste qu’il vit les évènements de la prise de Toulon qu’il évoque avec une grande sensibilité et beaucoup d’émotion. Revenu à Aix auprès des siens, pour Noël il aura la fierté de voir ses œuvres exposées pour fêter la victoire. Il retourne, toujours avec la Société populaire, à Toulon où il dessine l’arsenal. C’est dans un atelier de peintres qu’il exerce, où ses compétences sont reconnues. Cette vie en société le confronte à l’épreuve de devoir laisser de côté le provençal pour s’exprimer régulièrement en français. On retiendra de cette expérience un certain nombre de dessins dont une partie est conservée au Musée Granet et le souvenir de la rencontre d’un peintre de talent et d’un officier appelé à connaître la notoriété.

 

Le repas

 

C’est le Cercle naval qui nous accueille ensuite pour le déjeuner. Nos confrères toulonnais ont organisé les tables de façon à favoriser les échanges. Chacun est amené à se présenter, puis les conversations attestent d’une qualité de relation qui devient vite très plaisante. Trois grand tableaux décorent la salle et ouvrent des horizons vers Tahiti, Istanbul avec quelques gondoles égarées et une scène touchante dont rochers dans la mer et toit de chaume font penser à la Bretagne où un jeune homme assidu tâche de convaincre une jeune fille assez détachée. Dans les assiettes gâteaux de foie gras, pâté de légumes, petite tour de glace cylindriques, succédant aux parallélépipèdes rectangles des présentations carpentrassiennes nous confirment que rien n’est laissé au hasard ! Le service et la qualité des mets sont à la hauteur de l’accueil qui nous est réservé !

 

Le Musée :

 

Ouvert à notre intention, le Musée de la Marine parcouru avec les conservateurs n’aura bientôt plus de secrets pour nous. La riche histoire du port de Toulon s’étale sous nos yeux, conditionnés que nous sommes par la formule, en caractères blancs sur fond rouge, de cet excellent agent de publicité que les Toulonais ont su recruter dès le XVII° siècle et qui s’appelle Vauban : «La rade de Toulon est la plus belle et la plus excellente de la Méditerranée de l’aveu de toutes les nations » Mémoire du 9 mars 1679. Nous en suivrons donc la destinée, guidés par les cartes et les peintures mettant en valeur les extensions et les destructions. Une belle maquette de la corderie complétée par un modèle réduit de cet appareil qui permettait de tresser les cordes nous introduit dans une des activités du port. Au passage nous pouvons admirer les maquettes de grandes dimensions réalisées, à la demande de Colbert, pour l’instruction. Elles sont de trois ordres correspondant aux titres des officiers de marine qui les commandaient : Vaisseau, Frégate, Corvette. Les magnifiques figures de proue nous accueillent dans une salle où elles sont particulièrement bien mises en valeur. Des galères au bagne, qui sera supprimé en 1873, les dures conditions de survie de ces hommes au destin tragique nous sont présentées depuis les registres qui révèlent leurs noms, les raisons de leur arrivée, leurs fuites et généralement leurs retours, jusqu’aux travaux remarquables qu’ils avaient accomplis avec les moyens du bord, pour s’assurer un petit pécule. A l’étage, nous est présentée l’introduction du métal dans la construction des bateaux, depuis le blindage fixé sur le bois jusqu’à l’enveloppe métallique. La maquette du porte-avions Charles de Gaulle rappelle l’actualité.

 

 

 

Le tour de la Rade

 

Et il fallut s’embarquer sous une pluie battante. Heureusement l’embarcation était couverte ! Le ruissellement sur les vitres ménageait un espace réduit de découverte mais, par bonheur, les conditions climatiques évoluèrent favorablement, au point que les passagers se sont presque tous retrouvés sur le pont mais à la fin cependant !  Un commentaire très complet aux bons soins d’un expert, notre confrère toulonnais l’Amiral Deverre favorisait la découverte du port et de ses activités. Nous fûmes rassurés d’apprendre que le nombre de vaisseaux de guerre réduit ne signifiait pas du tout une baisse de puissance. Nous aperçûmes le porte-avions Charles de Gaulle en entretien et il nous fut dit que le ¼ du temps de cette flotte de guerre se passait justement en entretien pour maintenir les capacités de défense ou d’attaque. La Seyne, Saint Mandrier, la Tour Royale…un peu moins de pluie, une lumière plus favorable et c’est le retour au port !

 

C’est ainsi que s’achève la dernière sortie de notre année académique. Elle présentait l’originalité d’être aussi une journée inter-académique. Que soient remerciés tous ceux qui ont contribué à sa réussite, depuis les approches bordelaises jusqu’aux échanges plus récents impliquant un certain nombre de collègues. Notre reconnaissance va aussi aux Toulonnais qui nous ont si bien accueillis.